Interview du professeur Schweitzer et du Docteur Ioan, Pneumopédiatres, Hôpital d’enfants CHU NANCY

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Interview du professeur Schweitzer et du Docteur Ioan, Pneumopédiatres, Hôpital d’enfants CHU NANCY

Le syndrome d’apnée du sommeil chez l’enfant est fréquent 1 à 4 %. Est-il diagnostiqué suffisamment précocement ?

Probablement que non. L’intérêt pour le diagnostic et la reconnaissance du caractère pathologique du SAOS de l’enfant est assez récent. Du coup pour un certain nombre de familles et de médecins considèrent souvent les symptômes (ronflement, apnées cliniques) présentés par l’enfant comme normaux. Comme un grand nombre de ces SAOS sont régressifs avec la croissance du massif facial et la diminution de volume des organes lymphoïdes, (amygdales et végétations). L’habitude d’un grand nombre reste d’attendre la régression spontanée.

Est-ce qu’il faut sensibiliser les parents et ceux qui accompagnent les enfants notamment entre trois à huit ans, à cette pathologie ?

Oui il faut que le dépistage de ces apnées devienne systématique et soit considéré comme une pathologie à part entière. En effet compte tenu du jeune âge auquel le SAOS est observé chez l’enfant, il est important de ne pas tarder à confirmer le diagnostic et à le traiter afin de limiter les potentielles anomalies neurocognitives chez les enfants présentant des apnées, anomalies neurocognitives qui pourraient entraver le développement sur le long terme. Les premières années de vie sont des périodes clés sur le développement staturo-pondéral et neurocognitif, toute perturbation du sommeil dans cette période clé a le potentiel d’altérer la santé de l’enfant sur toute la vie.

Comment est reçu l’annonce diagnostic ?

Les parents sont parfois surpris, mais le diagnostic formel n’est souvent qu’une confirmation de leurs doutes. En général le diagnostic n’est pas mal reçu, d’autant plus que le traitement (chirurgical en 1er ligne) leur est immédiatement proposé.

Quels symptômes doivent alerter ? Comment impliquer les parents ou les intervenants scolaires ou périscolaires ?

Les symptômes sont essentiellement liés à des ronflements audibles et sonores. Un enfant peut ronfler lorsqu’il est atteint par une simple infection virale des voies aériennes supérieures, mais on ne doit pas entendre un enfant ronfler de façon systématique et chronique. Ces ronflements peuvent être entrecoupés par des apnées cliniquement perçues par la famille. A l’heure actuelle, la plupart des parents ont des vidéos qui objectivent ces signes.

La question des symptômes indirects est plus discutée. La survenue d’une énurésie secondaire, des difficultés au réveil matinal ou une fatigue diurne peut conduire à une consultation spécialisée.

Les enseignants peuvent parfois alerter la famille car l’enfant qui ne dort pas bien sera irritable et agité dans la journée et pourrait avoir du mal à se concentrer et suivre en classe.

On sait la fréquence des infections respiratoires virale, à partir de quel moment doit-on envisager ce diagnostic ?

C’est la persistance des symptômes quel que soit l’âge qui doit faire évoquer le diagnostic. Dans les faits il est rare d’avoir des symptômes dans la première année de vie.

Comment s’effectue ensuite la prise en charge entre médecine de ville et services spécialisés ?

Le souci des médecins de ville est souvent de trouver les bons interlocuteurs. Il y a peu d’acteurs privés et la grande partie de l’offre est de l’ordre des centres universitaire. Beaucoup de centres ou de médecins libéraux, même avec une expertise adulte importante ne prennent pas les enfants en charge. Il n’existe cependant pas de labélisation spécifique et l’offre est très variable en fonction des régions. Une fois le bon interlocuteur trouvé, la prise en charge est en général organisée par le centre de recours.

Les centres de référence sont-ils assez nombreux ? Peuvent-ils répondre à toutes les demandes ?

La limite est celle des moyens d’exploration. Les places ne sont pas assez nombreuses, l’offre d’exploration à domicile est difficile à mettre en place et quasi-inexistante. Il s’agit pour la plupart de centres régionaux au niveau des CHRU. Une offre libérale existe dans certaines villes.

Le second problème est l’offre opératoire en chirurgie ORL afin de traiter l’obstruction causale. L’offre d’anesthésie pédiatrique est limitée dans toutes les régions de France et les délais peuvent être très long posant le problème éthique de laisser plusieurs semaines un enfant avec des troubles du sommeil sans traitement.

Qu’attendre des traitements médicamenteux ?

Il ne faut pas attendre grand-chose des traitements médicamenteux. L’intérêt du Montelukast a été montré par certaines études, mais cette molécule est également incriminée dans la genèse de troubles du sommeil. Le traitement d’une obstruction nasale par anti-histaminiques ou corticoïdes nasaux peut améliorer transitoirement les symptômes, mais n’est pas une solution curative.

Dans quelles conditions décider d’une polysomnographie et d’un traitement chirurgical des amygdales et des végétations ?

Une polysomnographie est indiquée en cas de suspicion de SAOS chez l’enfant de moins de 3 ans, en cas de discordance entre les symptômes et l’examen clinique (par exemple, l’enfant ronfle, est fatigué dans la journée mais il n’y a aucun obstacle retrouvé à l’examen ORL), s’il existe un risque opératoire élevé (trouble de l’hémostase, maladie cardiaque, SAOS sévère cliniquement) ou en cas de pathologie associée (obésité, malformation crânio-faciale). La PSG est aussi indiquée pour dépister un SAOS chez les enfants ayant une pathologie prédisposant telle que la trisomie 21, le syndrome de Prader-Willi, malformations crânio-faciales, l’achondroplasie.

Le traitement chirurgical des amygdales et végétations peut être réalisé d’emblée sans une PSG préalable chez les enfants entre 3 et 8 ans sans pathologie associée et chez tous les enfants qui ont un IAH modérément ou sévèrement élevé à la PSG.

Comment juger de l’efficacité des traitements médicamenteux ou chirurgicaux ? Les symptômes constatés peuvent-ils récupérer rapidement ? Les capacités neuro cognitives sont-elles restaurées correctement ?

L’efficacité des traitements médicamenteux ou chirurgicaux se jugent sur l’amélioration, voire disparition des symptômes de SAOS. Il est indiqué de refaire une PSG seulement si le SAOS était sévère avant la chirurgie (il faut la faire à 1 mois après une adénoïdectomie et à 5-6 mois après une amygdalectomie) et bien sûr s’il y a des pathologies associées.

Quelle est la proportion de jeunes patients sous PPC ?

La mise sous PPC reste assez rare et est réservée en cas d’anomalies maxillo-faciale ou pathologie associée. Il est nécessaire de prendre une décision multidisciplinaire (pneumopédiatre, ORL, endocrinologue, généticien) avant la mise sous PPC.

La titration de la PPC fixe se fait-elle à l’hôpital ?

L’adaptation d’une PPC se fait à l’hôpital pour déterminer la tolérance de l’enfant et pour l’éducation de la maman et de l’enfant à l’utilisation PPC. La titration de la PPC n’est pas systématique chez l’enfant, il y a peu de centres en France où se fait (1 ou 2 à notre connaissance). La lecture de la carte, la relève de la machine et la capnographie /oxymétrie sous PPC et l’amélioration / rémission des symptômes cliniques à 1 mois nous montrera que l’enfant est bien ventilé.

Existe-t-il des contraintes spécifiques pour l’enfant lors du retour à domicile ?

Oui, pour lui et toute la famille. Chez le petit, une VNI à la maison, ce sont des pleurs à chaque coucher au moment de mettre le masque, quelques réveils par nuit pour réajuster le masque. L’éducation et la motivation des parents est le facteur de réussite le plus important. Chez les grands, c’est leur motivation et de se convaincre eux-mêmes que la PPC a un effet bénéfique sur leur forme dans la journée, sur leur fatigue.

Y a-t-il des besoins spécifiques auxquels les prestataires de soins à domicile doivent répondre ?

Oui, les masques sont spécifiques à l’enfant, s’abîment assez rapidement (il faut au moins 3 masques par an) et changent avec la croissance de l’enfant. Les machines chez le petit doivent avoir une alarme de déconnexion, donc il faut des machines de niveau 2 même si elle est en mode PPC. De plus, toutes les machines ne captent pas le débit de l’enfant donc elles vont relever un IAH faussement élevé. Les parents sont parfois assez anxieux, le prestataire doit toujours les accompagner et répondre à leurs questions.

Les contraintes réglementaires de prescription de la PPC s’applique également chez l’enfant, dans votre expérience quelle est la proportion de patients qui rencontrent des difficultés pour suivre une PPC ? Comment impliquer l’enfant et les parents ?

Il n’y a pas de contrainte d’observance chez l’enfant parce que les parents sont toujours derrière l’enfant et vont tout faire pour que l’enfant porte la PPC. Le texte de loi dit que l’observance doit être > 112 heures par période de 28 jours consécutifs et toute observance inférieure doit être analysée avec les parents et l’enfant et prendre toutes les mesures pour l’améliorer. Bien sûr, il faut impliquer l’enfant dans son traitement, le responsabiliser, en fonction de leur âge. Il y a des enfants qui considèrent la machine comme leur doudou. Il n’est pas facile pour un grand d’accepter la machine, surtout qu’il faut la mettre toutes les nuits. Au niveau de l’observance ; ce sont les mêmes “points” qu’il faut analyser comme chez l’adulte (problème de masque, des fuites, pression trop élevée) mais, en plus, la plupart de temps, il s’agit d’absence des limites qui doivent être imposées à l’enfant par ses parents.

Globalement quel est le pronostic du syndrome d’apnée du sommeil chez l’enfant ? Quel devenir pour l’âge adulte ? 

Diagnostiqué tôt, le pronostic est bon.

 

Retrouver un article sur le syndrome d’apnées du sommeil chez l’enfant