POLLUTION ET SANTE RESPIRATOIRE
Le 29ième Congrès de Pneumologie de Langue Française s’est tenu à MARSEILLE du 24 au 26 janvier 2025. Le fil rouge de cette édition était: «pathologies respiratoires, environnement et changement climatique»
Les faits:
- La pollution de l’air extérieur contribue à plus de 8 millions de décès par an, dont plus de la moitié (58%) liés aux concentrations ambiantes de particules fines (PM2,5) (données 2021 https://www.stateofglobalair.org/resources/report/state-global-air-report-2024)
- Les maladies respiratoires en sont les principales causes.
- Les enfants, les personnes âgées et les personnes atteints de maladies chroniques sont les plus vulnérables.
- 99% de la population mondiale vit dans des endroits où les niveaux de qualité de l’air recommandés ne sont pas respectés.
Ce qui est démontré:
- La pollution de l’air affecte la croissance pulmonaire
L’exposition à la pollution de l’air dans l’enfance, voire dès la vie intra-utérine, ralentit la croissance pulmonaire jusqu’à l’adolescence (la croissance pulmonaire normale s’achève autour de 20 ans). Cet impact est décrit dans des études longitudinales de suivi de cohortes d’enfants dans différents pays. Le sexe masculin, le surpoids, des climats chauds et humides, la proximité d’un axe routier sont des facteurs aggravants.
- La pollution de l’air prédispose à la survenue de maladies respiratoires
L’exposition dans l’enfance favorise à court terme la survenue d’infections respiratoires et d’asthme, et à long terme l’incidence de maladies respiratoires à l’âge adulte. En effet, des études de suivi de cohorte montrent qu’il existe un lien entre la trajectoire de la fonction respiratoire, reflet de la croissance pulmonaire, et la survenue de symptômes respiratoires voire de BPCO à l’âge adulte.
Le lien entre exposition à la pollution à l’âge adulte, et incidence de maladies respiratoires chroniques est moins établi. Quelques études suggèrent néanmoins un risque accru. Par exemple, une étude auprès de plus de 4000 femmes exposées pendant 10 ans à la pollution routière montre une corrélation entre déclin de la fonction respiratoire, concentration atmosphérique en particules fines, et proximité de l’axe routier, et une prévalence de BPCO de 4,5%.
- La pollution de l’air aggrave les maladies respiratoires chroniques
La pollution de l’air augmente l’incidence des exacerbations des maladies respiratoires chroniques (asthme, BPCO, fibrose pulmonaire, mucoviscidose), comme l’attestent de nombreuses études dans tous les continents.
- Les composants de la pollution de l’air provoquent des lésions des structures anatomiques de l’appareil respiratoire
Les particules fines (PM2,5) de la pollution atmosphérique pénètrent jusqu’aux voies aériennes les plus périphériques (bronchioles terminales). Les particules ultra-fines (PM0,1) peuvent atteindre les alvéoles pulmonaires voire passer dans la circulation sanguine. L’exposition à la pollution déclenche déclenche un stress oxydatif et une inflammation. Cette agression chronique altère les cellules épithéliales et les glandes de la muqueuse bronchique, modifie la perméabilité des cellules épithéliales, et provoque à terme un remodelage bronchique irréversible.
Pas tous égaux face à la pollution
Des facteurs génétiques influencent la susceptibilité individuelle aux effets de la pollution. La réponse au stress oxydatif (capacité des cellules à neutraliser les radicaux libres générés par les polluants), l’inflammation, la croissance pulmonaire et le remodelage bronchique diffèrent d’un individu à l’autre selon une prédisposition génétique.
Par ailleurs, l’exposition à la pollution peut faire varier l’expression des gènes impliqués dans l’inflammation par le biais de modifications physiques ou fonctionnelles (sans changement de leur structure nucléotidique) (facteurs épigénétiques).
La pollution atmosphérique est un facteur modifiable
La réduction de la pollution atmosphérique consécutive aux restrictions de circulation conjoncturelles (Jeux Olympiques) ou contraintes (pandémie) est suivie d’une amélioration de la santé respiratoire. On a observé par exemple une diminution des consultations et hospitalisations non programmées et des passages aux urgences des enfants asthmatiques pendant les Jeux Olympiques d’Atlanta pendant l’été 1996.
A plus long terme, les programmes de contrôle de la qualité de l’air ont un impact positif significatif sur le développement pulmonaire. En comparant la croissance pulmonaire de cohortes d’enfants exposés entre l’âge de 11 et 15 ans avant et après la mise en place de programmes de contrôle de la qualité de l’air, on observe une amélioration de la croissance pulmonaire, corrélée à la diminution de la concentration en particules fines et dioxyde d’azote, chez les asthmatiques comme chez les non-asthmatiques.
Les sociétés savantes européennes et américaines de pneumologie éditent régulièrement depuis 1985 des recommandations sur les effets de la pollution atmosphérique sur la santé respiratoire (1985? 2000, 2017).
La pollution vient aussi de l’intérieur
La pollution de l’air intérieur est un enjeu de santé publique du fait de la diversité des produits ménagers, domestiques, cosmétiques utilisés dans un espace confiné, et de la durée de l’exposition quotidienne (en moyenne 16H par jour, encore plus chez les personnes fragiles). Les concentrations de polluants sont souvent plus importantes à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Les sources de polluants d’un logement peuvent être liées aux occupants et leurs activités, aux produits d’ameublement, de construction et de décoration, la présence d’animaux, aux effets de sinistres (dégâts des eaux, infiltrations…). Elle est impactée par la pollution extérieure (trafic routier, industries, radon…).
Les principaux polluants sont des particules inertes (fibres, aérosols, poussières, métaux lourds), des biocontaminants (virus, bactéries, allergènes, moisissures), des polluants gazeux (composés organiques volatils – formaldéhyde, benzène , radioactifs, radon).
Les contaminants biologiques sont les acariens (10 à 20% de la population y est sensibilisée), les moisissures (présentes dans 20% des logements, 5 à 10% de la population y est sensibilisée), les blattes (sans lien avec la salubrité du logement, contrairement à une idée reçue), les allergènes d’animaux domestiques, les plantes.
Les moisissures allergisantes les plus répandues sont Penicillium (>90%) , Cladosporium (65%) et Aspergillus (40%).
Rappel des 10 règles d’or (et de bon sens):
- Ne pas fumer à l’intérieur des logements
- Aérer 2 fois 10 minutes par jour en ouvrant les fenêtres
- Limiter l’utilisation de produits chimiques
- Maintenir une temérature du logement entre 18 et 20°C
- Eviter et traiter les problèmes d’humidité
- Faire entretenir régulièrement les appareils à combustion par un professionnel
- Eviter l’accumulation de poussières
- Limiter la présence d’animaux domestiques
- Privilégier l’achat de matériaux étiquetés/labellisés/peu émissifs
- Eviter les systèmes et produits purificateurs d’air
L’Association de Prévention de la Pollution Atmosphérique (APPA www.appa.asso.fr) met à disposition des fiches -conseils d’éviction des acariens (https://www.appa.asso.fr/wp-content/uploads/2020/02/Conseils-pour-les-allergies-aux-acariens.pdf), animaux domestiques (https://www.appa.asso.fr/wp-content/uploads/2021/07/animaux.pdf) ainsi que de nombreux autres supports d’information et de prévention.
D’après les sessions «quand l’environnement fait le lit des infections respiratoires» (24/01/2025) et «dis-moi où tu vis, je te dirai comment tu respires» (25/01/2025)
Dr Anne GUILLAUMOT – Janvier 2025