Actualités sur la mucoviscidose
Actualités 2023 sur la mucoviscidose.
Interview du Dr Anne Guillaumot, Pneumologue, Médecin coordinateur du Centre de Ressources et de Compétences de la Mucoviscidose (CRCM) au Département de Pneumologie du CHRU de NANCY.
Qu’est-ce que la mucoviscidose ?
C’est une maladie génétique rare, caractérisée par la production de sécrétions (mucus) anormalement visqueuses dans différents organes, d’où son nom. Les organes les plus souvent atteints sont les poumons et le pancréas, d’où son autre nom de « fibrose kystique du pancréas » («cystic fibrosis» pour les Anglo-Saxons). La maladie est liée à une perturbation d’une protéine, nommée CFTR (cystic fibrosis transmembrane conductance regulator), à l’origine des sécrétions trop visqueuses et d’une augmentation de la concentration de sel dans la sueur (autrefois, avant la première description médicale de la maladie en 1938, on l’appelait « la maladie du baiser salé »). Le diagnostic repose sur le dosage du chlore dans la sueur (test de la sueur) et l’analyse génétique.
Qui est atteint par la mucoviscidose ?
La maladie s’exprime chez les enfants porteurs de 2 mutations anormales du gène CFTR, situé sur le chromosome 7. La mutation la plus fréquente est DF508. Le type de mutations détermine le type de dysfonctionnement de la protéine, qui peut être soit un défaut de fabrication, soit un défaut de fonctionnement. La mucoviscidose survient chez une naissance sur 4500 en France. Elle débute le plus souvent dans l’enfance, mais peut se révéler à l’âge adulte.
On dispose d’un dépistage néonatal systématique pour la reconnaître et la prendre en charge au plus tôt.
Longtemps maladie exclusivement pédiatrique car souvent mortelle avant l’âge adulte avant les années 1990, la mucoviscidose touche actuellement environ 7500 patients en France, dont 62% sont des adultes.
Pourquoi parler de la mucoviscidose en 2023 et de sa trithérapie ?
Jusqu’au début des années 2010, la prise en charge de la maladie a reposé sur les traitements symptomatiques des différentes atteintes : régime diététique, extraits pancréatiques, antibiotiques, kinésithérapie respiratoire, fluidifiants bronchiques, traitements inhalés, assistance nutritionnelle, respiratoire et transplantation pulmonaire au stade d’insuffisance respiratoire en ultime recours.
L’arrivée de nouveaux traitements capables de moduler directement la protéine CFTR (d’où leur nom de « modulateurs ») marque un tournant évolutif majeur dans la prise en charge de mucoviscidose. Pour la première fois, on dispose de traitements s’attaquant à la cause de la maladie (le dysfonctionnement de CFTR), avec une efficacité spectaculaire sur les symptômes, la qualité de vie, la fonction respiratoire et le pronostic de la maladie.
2012 voit la mise à disposition du premier modulateur « potentiateur » capable d’activer la protéine CFTR produite mais défectueuse. Les résultats sont prometteurs, mais ce traitement n’est efficace que sur un groupe de mutations concernant moins de 5% des patients.
Le développement de modulateurs « correcteurs », capables de réparer les anomalies de fabrication de la protéine, permet d’étendre les bénéfices à un plus grand nombre de patients, en particulier les patients homozygotes pour la mutation DF508, traités à partir de 2015 par une association d’un correcteur et d’un potentiateur.
La vraie révolution arrive en 2021 avec la triple association de 2 modulateurs correcteurs avec un potentiateur, dont les effets sur la protéine se complètent et s’additionnent pour des bénéfices amplifiés sur les symptômes, la qualité de vie et le pronostic des patients. La « trithérapie » est aujourd’hui accessible à tous les patients porteurs d’au moins une mutation DF 508 à partir de l’âge de 6 ans, quelle que soit la sévérité de la maladie. Les bénéfices sont spectaculaires, y compris pour les patients atteints de formes sévères, permettant pour certains patients l’arrêt de l’oxygénothérapie, de l’assistance respiratoire ou nutritionnelle, voire le retrait de la liste d’attente de transplantation pulmonaire.
On entre dans une époque où la mucoviscidose devient une maladie chronique et non plus constamment fatale, avec pour les patients traités par modulateurs la perspective d’une vie quasi-normale ouvrant la voie à des projets à plus long terme : vie en couple, parentalité, projets professionnels.
Quels sont les risques de cette trithérapie ? Est-elle inefficace chez certains patients ?
Les effets secondaires somatiques sont observés surtout au début du traitement et restent modérés dans la plupart des cas. La tolérance est bonne avec un recul de 3 ans. La surveillance sur le long terme est bien sûr enclenchée.
L’efficacité à long terme n’est pas encore connue, la durée du traitement reste indéterminée à ce jour.
L’efficacité de la trithérapie chez les patients porteurs de mutations autres que DF 508 est à l’étude, de même que le développement d’autres modulateurs.
La trithérapie n’est pas efficace chez les patients porteurs de mutations responsables d’une absence totale de protéine CFTR (10 % des patients atteints). Pour eux, l’espoir repose sur la thérapie génique pour agir directement sur les gènes défectueux, actuellement encore au stade de recherche.
Quels sont les rôles de CRCM ?
Mis en place en 2002, les centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM) proposent une offre de soins personnalisée et coordonnée, dispensée par une équipe pluridisciplinaire spécialisée regroupant médecins spécialistes et paramédicaux impliqués dans la prise en charge globale de la maladie. Les CRCM sont les pierres angulaires du réseau de soins et de recherche que constitue la Filière de soins « Maladies rares Mucoviscidose (MucoCFTR) », avec les sociétés savantes (Société Française de la Mucoviscidose), les associations de patients, les professionnels de santé et réseaux de santé de proximité, les laboratoires de biologie, de génétique et de recherche, les centres de transplantation. Leur organisation a servi de modèle pour structurer la prise en charge des maladies rares depuis le premier Plan National de Santé Publique Maladies Rares en 2005.
Au moment de la mise à disposition de la trithérapie, le réseau national des CRCM joue un rôle de premier ordre pour faciliter l’accès au traitement, en assurer la veille pharmacologique et enrichir les données d’efficacité et de tolérance établies dans les essais thérapeutiques par les observations « en vie réelle » et les retours des patients. Toutes les questions posées par la mucoviscidose ne sont pas encore résolues, les CRCM restent donc toujours aussi actifs, mais heureux de cette révolution thérapeutique.
Mucoviscidose : maladie « fatale » hier, « chronique » demain
Docteur Anne GUILLAUMOT, pneumologue
Médecin coordinateur
Centre de Ressources et de Compétences de la Mucoviscidose
Département de Pneumologie
CHRU de NANCY