Santé respiratoire et environnement
Résultats de l’étude PATURE (Protection contre l’Allergie : éTUde du milieu Rural et de son Environnement) et projet sur les trajectoires de santé respiratoire de la naissance à l’âge adulte.
La prévalence des maladies respiratoires et allergiques est en constante augmentation dans les pays industrialisés depuis 40 ans et touche actuellement selon les pays considérés, jusque 30% à 40% de la population. La théorie de l’hygiène, plus récemment appelée théorie du microbiote, explique cette augmentation progressive par nos modes de vie modernes et notamment par la diminution de la bio-diversité d’exposition microbiologique en période périnatale.
La cohorte européenne de nouveaux-nés PATURE (Protection contre l’Allergie : éTUde du milieu Rural et de son Environnement), mise en place au début des années 2000 par le Pr Erika von Mutius en collaboration avec le Pr Jean-Charles Dalphin en France, était destinée à confirmer de façon prospective le rôle protecteur vis-à-vis du risque allergique de l’exposition à un environnement agricole de production laitière bovine, à identifier les substances protectrices et les mécanismes immunologiques impliqués, et à imaginer les bases d’une stratégie de prévention primaire dans les populations à risque. Cinq pays européens ont participé à l’élaboration de cette cohorte : Allemagne, Autriche, France, Finlande et Suisse). L’inclusion de 1133 enfants vivant tous en milieu rural et dont la moitié avait des parents agriculteurs laitiers a permis de mettre en évidence l’effet protecteur du milieu fermier sur la survenue d’une rhinite, d’un asthme, et des sensibilisations respiratoires jusqu’à l’âge de 10 ans. Parmi les éléments protecteurs de maladies allergiques au sein du milieu fermier, l’alimentation et l’exposition à la grange et à l’étable semblent être les deux éléments les plus importants.
Concernant l’alimentation, la cohorte PATURE a permis de montrer une diminution du risque d’asthme chez les enfants exposés à la consommation de lait de ferme durant la grossesse et leur première année de vie. Cet effet protecteur est en partie expliqué par une plus grande richesse en oméga 3 du lait de ferme comparé au lait acheté dans le commerce. La consommation de yaourt et de fromages durant les premières années de vie était également associée à une diminution du risque allergique du fait de la production d’acides gras à courte chaine ayant des propriétés anti-inflammatoires mais aussi du fait de leur composition microbienne participant à la diversité et à la richesse des microbes présents dans les intestins. Une plus grande diversité alimentaire durant la première année de vie était également associée à une diminution du risque de développer de l’asthme à l’âge de 6 ans.
Concernant l’exposition à la grange et à l’étable, une exposition fréquente et prolongée dès le plus jeune âge diminue le risque d’asthme ; l’exposition précoce aux animaux de la ferme réduit fortement le risque de développer une rhinite allergique à l’âge de 10 ans.
Plus récemment, une étude sur le développement de la toux chez l’enfant a permis de montrer que la consommation de lait de ferme durant la première année de vie diminuait le risque de développer une toux à début précoce, persistant durant toute l’enfance. Cette toux précoce et persistante était fortement associée aux maladies allergiques et notamment, à l’asthme et à la rhinite allergique.
Tous ces résultats nous ont conduit à un nouvel objectif : évaluer la santé respiratoire dans son ensemble en prenant en compte l’asthme, la rhinite allergique, les sensibilisations respiratoires mais aussi la toux durant toute l’enfance de l’âge de 1 à 17 ans au sein de la cohorte européenne PATURE. Quelle est l’évolution de ces maladies durant l’enfance ? Quels en sont les retentissements sur l’activité physique et le sommeil à l’adolescence ? Quelles expositions spécifiques au milieu fermier permettent de prévenir la persistance de ces maladies allergiques à l’adolescence ? Et enfin, quel est le vécu des adolescents atteints d’une ou plusieurs de ces maladies ? Toutes ces questions ont pour but de développer des méthodes de prévention vis-à-vis de l’ensemble des maladies allergiques et de faciliter leur mise en place en ciblant les problématiques vécus par les adolescents. L’analyse des données du suivi de plus de 500 enfants de la cohorte PATURE réalisé à l’adolescence aux débuts des années 2020 dans 4 des 5 pays de la cohorte (Allemagne, France, Finlande et Suisse) nous permettra de répondre prochainement à toutes ces questions.
Dr Amandine Divaret-Chauveau
MCU-Praticien Hospitalier
Unité d’allergologie pédiatrique
Hôpital d’enfants – CHRU de Nancy
Avril 2024