Interview Dr Sarah BASIN
Madame le docteur Sarah Basin a accepté de répondre aux questions concernant son travail de recherche dans le cadre d’un Master 2 faite avec l’Equipe d’Accueil Développement, Adaptation et Handicap (EA-3450) de l’Université de Lorraine.
Pour quelle raison faire cette étude sur la toux ?
La toux est très fréquente. Chacun d’entre nous d’ailleurs l’a subi et la connait.
Qu’est-ce que la toux ?
La toux est un réflexe de défense respiratoire pour protéger les voies aériennes inférieures, en empêchant l’Inhalation de particules et en permettant l’expulsion de sécrétions.
La toux est-elle toujours banale ?
Si elle disparait rapidement comme lors des infections respiratoires banales, mais elle peut aussi révéler un très grand nombre de pathologies respiratoires potentiellement graves et/ou évolutives notamment asthme, BPCO, cancers broncho pulmonaires, fibroses ou pathologies interstitielles… Toute toux persistante doit donc être évaluée et sa cause recherchée, qui parfois est non respiratoire, cas du reflux gastro-œsophagien ou d’une insuffisance cardiaque par exemple.
Toux et asthme, quels sont les liens ?
L’asthme est également une maladie chronique fréquente. Il est très souvent mais pas toujours d’origine allergique. L’asthme comporte une hyper réactivité bronchique qui provoque une bronchoconstriction (rétrécissement du diamètre des bronches), elle même responsable des symptômes.
Quels sont les aspects de la toux chez l’asthmatique ?
La toux chez l’asthmatique peut prendre plusieurs aspects. Elle peut être un symptôme révélateur, paraissant isolée en dehors des sifflements caractéristiques usuellement présents et qui sont bien connus des patients ou de leur proche. Elle peut aussi être une manifestation chronique de l’asthme et altérer la qualité de vie des patients. Classiquement, elle survient la nuit, dans un environnement froid et sec ou au décours d’un effort physique chez les patients asthmatiques.
Que connait-on des mécanismes qui provoquent l’asthme ?
Les mécanismes inflammatoires qui sous-tendent l’hyperréactivité bronchique ne sont pas totalement élucidés. On connait l’importance de certains globules blancs, les éosinophiles qui sont très souvent impliqués dans les réactions allergiques et asthmatiques. Ces éosinophiles infiltrent les parois bronchiques. Dans la majorité des cas, cette bronchoconstriction est sensible aux corticoïdes. Les corticoïdes par voie inhalée sont donc la base du traitement de fond de l’asthme. Ils réduisent les crises et permettent de contrôler la maladie.
Quels sont les liens entre toux et efforts physique ? Qu’est-ce que l’hyperventilation ?
L’effort physique comporte au niveau musculaire une augmentation de la consommation d’oxygène et un rejet de gaz carbonique. Ces deux phénomènes entrainent une augmentation de la ventilation. Or cette augmentation peut être également responsable de bronchoconstriction, avec possiblement une toux voire des crises d’asthme d’effort.
L’hyperventilation est définie par une augmentation disproportionnée de la ventilation par rapport aux besoins de l’organisme : on respire plus d’air que nécessaire pour assurer l’apport d’oxygène utile pour l’effort.
Comment rechercher l’hyperréactivité bronchique ?
L’hyperréactivité bronchique peut être recherchée en pratique par des test de provocation (principalement par la métacholine) ou par des tests d’hyperventilation. Au cours de ces derniers tests, on demande au sujet de respirer plus « fort » que normalement tout en lui faisant respirer un air sec avec une petite quantité de gaz carbonique pour éviter les malaises liés à l’hyperventilation en air pur. Ainsi la période d’hyperventilation est bien tolérée et dure plus longtemps pour mieux détecter l’hyper réactivité bronchique.
L’originalité de l’étude repose sur le modèle expérimental chez le lapin. Que fait-on alors ?
On mime un effort musculaire modéré par l’électro stimulation musculaire et on produit une stimulation mécanique trachéale.
Que sont les réflexes de défense respiratoire à l’exercice ? Que mesure-t-on ?
Les réflexes de défense respiratoire sont composés du réflexe de toux et du réflexe expiratoire. Ces deux réflexes ont comme but de protéger les voies aériennes inférieures de l’inhalation de corps étranger. Le réflexe de toux, plus puissant, permet également d’expulser les sécrétions présentes dans les bronches. Pour les évaluer, on mesure la contraction des muscles abdominaux, l’augmentation de la ventilation et du débit expiratoire. On peut également s’aider de la clinique avec un enregistrement sonore, la toux ayant un son caractéristique. Ensuite on observe les effets sur les lapins sensibilisés à l’ovalbumine, correspondant à un modèle de maladie asthmatique allergique.
Qu’observe-t-on chez les lapins sensibilisés ? Au niveau des réflexes de défense respiratoire ? Au niveau de l’infiltration bronchique ?
Chez les lapins sains, donc non sensibilisés, on constate une diminution des réflexes de défense respiratoire à l’exercice. En effet, comme chez l’Homme, lors d’un effort physique, les besoins en oxygène augmentent. Le système respiratoire se concentre donc sur cette demande métabolique et les réflexes de défense respiratoire sont diminués : on tousse moins. Chez les lapins sensibilisés, les réflexes sont au contraire augmentés lors d’un effort, ils toussent plus facilement. Cela est expliqué par une augmentation de l’inflammation bronchique due à une accumulation de cellules inflammatoires, et notamment des globules blancs particuliers que sont les éosinophiles.
Quels sont les effets des corticoïdes sur ces deux éléments ?
Les corticoïdes sont de puissants anti-inflammatoires. Ils permettent ainsi de diminuer l’inflammation et l’hyperréactivité bronchiques (diminution du calibre des bronches). Notre étude montre que les corticoïdes permettent de restaurer la désensibilisation physiologique du réflexe de toux à l’effort : les lapins sensibilisés ne toussent pas plus à l’effort que les lapins sains.
Les corticoïdes inhalés ont-ils des limites ?
La corticothérapie inhalée constitue la base du traitement de fond de la maladie asthmatique et elle est essentielle afin de contrôler ses symptômes. Cependant, certains patients présentent une résistance aux corticoïdes (on parle alors d’asthme corticorésistant), et d’autres approches thérapeutiques sont alors nécessaires.
En conclusion quel est l’intérêt de cette étude ?
Ce modèle expérimental apporte des éléments supplémentaires en faveur du bénéfice potentiel d’un traitement corticoïde inhalé pour la gestion de la toux induite par l’exercice chez les patients asthmatiques. Pour l’instant, les recommandations des sociétés savantes françaises, européennes préconisent l’utilisation d’un bronchodilatateur de courte durée d’action dans ces situations. Ce travail ouvre des perspectives de recherche uniques sur les corticoïdes inhalés chez les patients asthmatiques présentant une toux à l’effort.
Mars 2022